Date de publication : 2023-10-10 09:00:00
Ces années d’études s’annonçaient particulièrement excitantes pour Ismahan Yusuf. En 2018, au moment d’être acceptée à la maîtrise en sociologie à la Western University, elle rêvait d’étudier les questions raciales. Mais en réalité elle se sentait bien seule.
« Dès l’instant où j’ai mis le pied sur le campus, je me suis rendu compte qu’il y avait un problème de représentation raciale au département de sociologie, se rappelle-t-elle. Les questions raciales étaient mal comprises. »
Cherchant à obtenir conseil, Mme Yusuf a voulu trouver quelqu’un à qui elle pourrait s’identifier, ce qui l’a amenée à rencontrer Godwin Arku, du Département de géographie et de sciences de l’environnement.
« Je savais qu’avec lui, je pourrais discuter de la situation dans mes cours. Je savais qu’il comprendrait. »
Monsieur Arku, qui est professeur et responsable des études supérieures au Département de géographie et de sciences de l’environnement de la Western University, a passé une bonne partie de sa carrière à offrir du mentorat, de la formation et du soutien à des étudiantes et étudiants de diverses nationalités, origines ethniques et religions, et ce, dans plusieurs départements et facultés de l’établissement. Ce leader de la communauté noire de London, en Ontario, travaille avec différentes entités de l’université à promouvoir la diversité des effectifs et l’inclusion sur le campus.
« Actuellement, seulement 4 p. 100 environ de la population étudiante de la Western University est noire, une donnée qu’il faut changer, souligne M. Arku. Nous pensons que si nous pouvons créer un espace sûr pour les étudiantes et étudiants noirs et mobiliser la communauté, nous encouragerons un plus grand nombre d’entre elles et eux à s’inscrire chez nous. »
Godwin Arku s’est joint à une coalition de chercheures et chercheurs et d’administratrices et administrateurs de la communauté noire – dont Mme Yusuf – pour lancer le projet Diversity Western: Enhancing the Black Experience. Il s’agit d’une des trois initiatives des établissements canadiens récompensées dans le cadre de l’édition inaugurale du prix Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité. Financé par le Programme des chaires de recherche du Canada, ce prix est une initiative conjointe des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), et est administré par le Secrétariat des programmes interorganismes à l’intention des établissements, qui est chapeauté par le CRSH.
Cette importante distinction est décernée en l’honneur de huit universitaires canadiennes – Marjorie Griffin Cohen, Louise Forsyth, Glenis Joyce, Audrey Kobayashi, Shree Mulay, Susan Prentice, Michèle Ollivier et Wendy Robbins – qui, durant près de deux décennies, ont contribué à faire valoir l’équité dans le Programme des chaires de recherche du Canada. « Diversity Western est un programme remarquable qui s’est vu décerner le prix Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité grâce aux efforts soutenus et toujours plus importants que déploie son équipe pour s’attaquer aux questions raciales dans les universités canadiennes. Ce prix a pour but d’appuyer des initiatives transformatrices comme celle-ci qui remettent en question le statu quo et contribueront à faire vivre aux personnes de la communauté noire – membres du corps étudiant, membres du corps professoral et personnel – une expérience plus inclusive à l’université », déclare Valérie Laflamme, vice-présidente associée du Secrétariat des programmes interorganismes à l’intention des établissements.
Le prix est accompagné d’une subvention de 100 000 dollars sur un an qui permettra à l’équipe de lancer le projet. Les chercheures et chercheurs comptent se pencher sur le racisme à l’endroit des personnes noires en posant des questions telles que : quelle expérience vivent les personnes noires à la Western University? Que peut-on faire pour opérer un décentrage de la blanchité? L’équipe organisera une série de conférences au caractère novateur avec des intervenantes et intervenants afrocentristes, offrira des cours d’orientation professionnelle donnés par des leaders noirs et créera une communauté numérique qui servira à offrir du mentorat et à créer un sentiment d’appartenance au sein de la communauté noire.
« Nous projetons de disposer d’un carrefour centralisé grâce auquel nous pourrons susciter l’enthousiasme et célébrer l’identité noire sur le campus », mentionne Nassisse Solomon, coordonnatrice du programme d’étude des systèmes de santé mondiaux de l’université et membre de l’équipe du projet Diversity Western.
« Les projets qui reçoivent ce premier prix Robbins-Ollivier proposent tous un changement systémique. C’est un honneur que le comité de sélection ait reconnu nos objectifs à long terme et ait compris que Diversity Western est là pour rester. Notre projet aura une influence sur l’avenir de personnes noires », renchérit-elle.
Pour les chercheures et chercheurs, ce projet enverra à l’ensemble de la communauté, au Canada comme à l’étranger, un message selon lequel la Western University est maintenant un milieu de travail et d’étude plus diversifié et plus inclusif.
« Nous voulons lancer un mouvement à l’échelle nationale », affirme Melanie Katsivo, professeure associée et spécialiste en équité, diversité et inclusion au Bureau de la diversité, de l’équité, de l’inclusion et de la décolonisation de la Schulich School of Medicine and Dentistry de la Western University. Comptant plus de 40 ans d’expérience en direction de projets de recherche sur l’équité et les droits de la personne au Kenya et au Canada, Mme Katsivo croit que Diversity Western a la capacité de faire tomber des obstacles systémiques.
« Ce que nous souhaitons, c’est un centre voué à l’avenir des personnes noires qui nourrit et guide leur expérience sur le campus. Il faut un changement à l’échelle de la collectivité dans le sud-ouest de l’Ontario, afin d’en faire une région où ces personnes ont envie d’aller étudier et où elles se sentent les bienvenues. Nous voulons montrer à tout le monde les perspectives qu’ouvrent les chercheures et chercheurs noirs dans tous les aspects de la vie au Canada. Nous demandons l’intégration, non la ségrégation. »
Madame Yusuf, qui termine son doctorat en géographie, n’a pas seulement trouvé sa place à la Western University : elle y laisse aujourd’hui sa marque.
« J’ai un avenir dans le milieu universitaire, se réjouit-elle. J’aimerais enseigner et agir comme mentore pour les jeunes étudiantes et étudiants. C’est un rêve qui commence avec des projets comme celui-ci, qui sont des vecteurs de changement. »