Concevoir la liberté par l’expression culturelle noire


Une titulaire de chaire de recherche du Canada promet de découvrir ce que signifie être noir et libre

Date de publication : 2024-02-19 4:30:00

Ken Daley, Moko Jumbies, techniques mixtes sur bois (2023). Commandée par Black and Free. Collection de l’artiste.

Photo: Black and Free

Naila Keleta-Mae s’intéresse depuis toujours à l’engagement communautaire, à l’expression culturelle et à la création artistique.

« Mes parents étaient très engagés envers le développement communautaire », précise Mme Keleta-Mae, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la race, le genre et la performance, professeure agrégée en arts de la communication à l’University of Waterloo (en anglais), autrice et artiste multidisciplinaire. « Ils ont quitté la Jamaïque et immigré au Canada dans les années 1960 et, dans les années 1970, ils étaient membres de l’association afro-caribéenne du Manitoba. J’ai donc grandi en sachant que, peu importe sa profession, il faut trouver un moyen de s’impliquer dans sa communauté. »

Naila Keleta-Mae, titulaire de chaire de recherche du Canada, enregistre son troisième album, Fire Woman, au Planet Studios de Montréal en 2019.

Photo: Danny Girl

Née à Toronto, Naila Keleta-Mae dit avoir l’expression artistique dans le sang. Elle se passionne pour la poésie, l’écriture, le chant et la composition. Très jeune, elle s’est rendu compte du lien entre la performance et la revendication. « Au primaire, j’écrivais déjà des poèmes et des discours sur mes diverses réflexions liées à l’identité noire. Puis, au secondaire, j’ai officieusement fondé une compagnie de production avec des camarades. Nous organisions des événements culturels qui mettaient souvent en vedette des élèves de race noire et des concepts liés à l’identité noire. Après avoir décroché mon diplôme de premier cycle, j’ai monté une compagnie de production culturelle qui organisait des événements mettant en scène la culture noire. D’aussi loin que je me souvienne, l’identité noire a été au cœur de mon art. »

La naissance de Black and Free

Dans une déclaration de 2017 sur Twitter (aujourd’hui rebaptisé X), Naila Keleta‑Mae a fait une promesse qui a cimenté sa trajectoire professionnelle : « Être noire et libre dans tous les aspects de ma vie : voilà la seule chose à laquelle je veux réfléchir pendant les quarante prochaines années! » (en anglais). Black and Free, l’expression employée dans la version originale, est devenue le catalyseur qui a mené à son premier projet de recherche et de création financé par une subvention de développement Savoir du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).

« Être Black and Free, c’est s’intéresser à ce qu’on peut apprendre en observant l’expression culturelle noire de près, qu’il s’agisse d’art visuel, de danse, de cinéma, de théâtre, de blogues ou de sport, » explique la chercheuse au sujet de son projet de recherche et de création (en anglais), qui est financé par sa chaire de recherche du Canada, une subvention du programme Excellence en recherche du Fonds pour la recherche en Ontario et une subvention de développement Savoir du CRSH. Ce projet fait appel à une équipe solide d’universitaires, d’étudiantes et étudiants de premier et deuxième cycles, et d’organismes publics et privés.

« D’une façon très générale, ce projet porte à réfléchir à l’identité noire et à la liberté au 21e siècle, poursuit Mme, Keleta‑Mae. Il arrive que les discussions sur l’identité noire se transforment en discussions sur l’oppression, le racisme à l’endroit des personnes noires et les politiques. Mais que se passerait-il si nous amorcions plutôt la conversation en parlant de liberté? Que se passerait-il si nous pouvions imaginer un monde sans suprémacisme blanc où les personnes noires sont libres? Lorsque nous observons la vie et l’expression des personnes noires du point de vue des arts visuels, de la musique, de la danse, de la poésie ou du sport, nous voyons une manifestation de ce qui est possible. Cela permet à toutes et tous, quelle que soit la couleur de peau, de croire en un monde sans racisme à l’endroit des personnes noires. »

Le facteur Beyoncé

D’après Naila Keleta‑Mae, la vie et la carrière de l’artiste féminine légendaire Beyoncé Giselle Knowles‑Carter est un exemple frappant d’identité noire et de liberté dans l’expression culturelle. Fascinée par l’œuvre éponyme de 2013 de cette artiste, la chercheuse a écrit un livre sur le sujet, Beyoncé and Beyond: 2013-2016 (2023) (en anglais), et créé un cours universitaire qui traite entre autres de Beyoncé, auteure-compositrice-interprète et femme d’affaires.

« Beyoncé a un sens aigu des affaires; c’est une puissance financière, souligne Mme Keleta‑Mae. Elle a participé à des concours de beauté dans sa jeunesse, ce qui lui a appris comment se faire accepter et comment accentuer les caractéristiques qui lui ont permis de les remporter. Depuis 40 ans, elle utilise ce savoir-faire pour contribuer à la définition de la femme noire et aux attentes à son égard. Cela fait d’elle un exemple complexe d’identité noire et de liberté. »

Black and Free sur une lancée mondiale

Beck Deresse, Metamorphosis, plume et encre, aquarelle, gouache (2023). Commandée par Black and Free. Collection de l’artiste.

Photo: Black and Free

Projet de recherche devenu mouvement, Black and Free est aujourd’hui une présence dynamique sous la direction de sa créatrice. Son évolution en entreprise planétaire comporte la visite de lieux où l’identité noire et la liberté sont exprimées.

« J’achemine l’information des salles de cours à l’espace de discussion public, explique Mme Keleta‑Mae. Je me suis rendue sur différents lieux aux États-Unis et au Canada. Récemment, j’ai visité la Jamaïque, où j’ai vu une communauté historique qui a résisté à la colonisation britannique et fête aujourd’hui 240 ans d’existence noire et libre. Je me suis associée au Young Peoples’ Theatre (en anglais), de Toronto, pour donner une formation en art dramatique aux enfants et aux jeunes et leur apprendre que l’expression de soi par la performance est un moyen d’explorer l’identité noire et la liberté. J’ai aussi collaboré avec The Museum (en anglais) et le Ken Seiling Waterloo Region Museum (traduction automatique disponible), qui sont tous deux à Kitchener, pour présenter des expositions novatrices, des séries artistiques et des symposiums qui se penchent sur ces thèmes. De plus, mon équipe accueille des marchés où des vendeuses et vendeurs de race noire peuvent offrir leur marchandise et en retirer la totalité des profits. »

L’avenir de Black and Free

Dans son plus récent ouvrage, Performing Female Blackness (2023) (en anglais), Naila Keleta‑Mae soutient que « jouer un rôle en permanence » oblige les femmes noires à toujours se tenir sur une scène figurée, peu importe le contexte culturel, politique ou historique.

« Dans ma propre vie, je trouve utile de comprendre la différence entre les lieux où je dois jouer un rôle pour gérer et manipuler l’espace et ceux où je peux réellement être moi-même. »

La chercheuse dit que le Programme des chaires de recherche du Canada lui a permis de poursuivre sa pratique et son expression artistique tout en menant sa recherche.

« C’est un privilège de disposer d’une équipe de recherche qui forme des étudiantes et étudiants et interagit avec d’autres universitaires tout en offrant des programmes et des occasions d’apprentissage au public grâce au financement dont je bénéficie. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur les processus, l’art, la recherche et les façons de les partager. C’est sensationnel! »

Pour en savoir plus

Écoutez la conversation avec Naila Keleta‑Mae qui a eu lieu en janvier 2024 à Kingston, en Jamaïque : Black and Free - A Reasoning with Dr. Naila Keleta‑Mae (en anglais).

Pour en savoir plus sur des expositions artistiques novatrices, visitez l’exposition 2023 Black and Free (traduction automatique disponible) et Bringing Blackness and Freedom to Life (en anglais). Vous pouvez aussi écouter le dernier des trois albums de Naila Keleta‑Mae, Fire Woman.