Améliorer la santé cardiovasculaire des femmes


La recherche clinique en fonction du sexe biologique : une question d’équité

Date de publication : 2022-03-24 12:00:00

Agrandissement d’histologies valvulaires (études au microscope de la structure des tissus valvulaires) d’hommes et de femmes.

Illustration : J. Am. Heart Assoc. 2020;9:e015610

Les femmes courent cinq fois plus de risques de mourir d’une maladie cardiovasculaire que du cancer du sein. Malheureusement, elles passent sous le radar des diagnostics de maladie cardiovasculaire, notamment parce qu’elles sont sous-représentées comme sujets de recherche sur la santé cardiaque. La titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé valvulaire cardiaque des femmes de l’Université Laval, Marie-Annick Clavel, s’efforce de combler cette lacune en étudiant les maladies cardiaques valvulaires chez les femmes. Son équipe de recherche espère améliorer la prise en charge des femmes atteintes de maladies valvulaires et augmenter les chances de survie de ces dernières.

« Il y a un mythe qui perdure selon lequel les femmes sont protégées des maladies cardiovasculaires grâce aux œstrogènes. Or, il y a autant de femmes que d’hommes qui ont des maladies cardiaques valvulaires, précise Marie-Annick Clavel. Le problème, c’est que les femmes sont moins diagnostiquées, donc moins traitées, alors elles sont plus nombreuses à en mourir chaque année. »

L’égalité hommes-femmes, même dans les études cliniques

Les maladies valvulaires – des dysfonctions qui nuisent à la bonne circulation sanguine dans le cœur – ont été étudiées principalement chez les hommes, en partant du principe que la présentation, la progression et les risques des maladies seront similaires chez les femmes. Les études cliniques recrutent des hommes dans une proportion de 80 p. 100 à 90 p. 100. Et comme les méthodes de diagnostic sont élaborées principalement en fonction des hommes, ceux-ci ont cinq fois plus de chances d’être correctement diagnostiqués.

Marie-Annick Clavel, titulaire d’une chaire de recherche du Canada, et l’équipe de son laboratoire font la promotion de la journée Tout le monde en rouge 2022. Cette activité annuelle a pour but de sensibiliser à la santé cardiaque des femmes.

Photo : Marie-Annick Clavel

Il en va de même du traitement, aussi élaboré en fonction des hommes. Or, les différences biologiques entre les sexes (entre autres, le cœur et les artères des femmes qui sont plus petits) influent sur le développement des maladies valvulaires. En étudiant la sténose valvulaire aortique – le rétrécissement de la valve cardiaque entre le cœur et l’aorte –, Marie-Annick Clavel et son équipe ont découvert que cette anomalie est davantage causée, chez les femmes, par la fibrose et non par la calcification, alors que c’est le contraire chez les hommes. Les femmes devraient donc être prises en charge différemment.

« Il est important de faire des études cliniques ciblées qui tiennent compte du sexe biologique des patients. En distinguant les données selon le sexe, on augmente l’exactitude et la fiabilité des résultats. Si on ne le fait pas, les données dans leur ensemble sont moins précises, et cela a une incidence non seulement sur la santé des femmes, mais également sur celle des hommes », explique la chercheure.

Outiller les médecins pour mieux reconnaître et traiter les maladies cardiovasculaires

En plus de contribuer à combler le fossé des inégalités entre les sexes en matière de recherche cardiovasculaire, les découvertes de Marie-Annick Clavel ont été intégrées dans les guides de pratique de la prise en charge des patients ayant des maladies valvulaires. Ces guides sont utilisés par les cardiologues et les chirurgiens cardiaques au Canada, aux États-Unis et en Europe.

Grâce à ces guides, les médecins sont mieux outillés pour aider leurs patients, dont le nombre ne cesse de croître. Les maladies valvulaires constituent la troisième forme de maladie cardiovasculaire la plus fréquente au Canada, et c’est souvent la moins bien diagnostiquée, surtout chez les femmes. Au pays, 2,5 p. 100 de la population en est atteinte, soit environ 800 000 personnes, et on prévoit que plus de 5 p. 100 des Canadiennes et Canadiens seront touchés en 2050 en raison du vieillissement de la population.

L’intérêt envers les recherches de Marie-Annick Clavel dépasse les frontières canadiennes, compte tenu du fléau mondial que représentent les maladies cardiovasculaires. Des chercheurs de quatre continents – l’Amérique, l’Europe, l’Afrique et l’Asie – collaborent aux travaux afin de fournir plus de données qui tiennent compte du sexe et du genre.

« Nous avons la chance de compter sur des collaborateurs de différentes spécialités – dont des médecins, des pharmaciennes et pharmaciens, des infirmières et infirmiers, des ingénieures et ingénieurs – qui nous donnent une vision à 360 degrés des maladies valvulaires, se réjouit la chercheure. Cela accroît la possibilité d’individualiser le diagnostic, le traitement et le suivi des femmes et des hommes. »

Une molécule prometteuse à l’essai

Marie-Annick Clavel s’affaire aussi à lutter contre les maladies valvulaires en amont, en dirigeant une étude internationale sur une nouvelle indication d’un médicament existant qui pourrait cibler la cause la plus fréquente de sténose valvulaire aortique chez les femmes. L’objectif est de ralentir la progression de la maladie, de l’arrêter et, avec un peu de chance, de la renverser. Si la nouvelle indication se révèle prometteuse, les femmes pourraient reporter une chirurgie cardiaque de quatre ou cinq ans, voire l’éviter complètement. 

Le médicament est présentement à l’étude au Danemark, et il le sera bientôt en Écosse. D’ici son éventuelle mise en marché, Marie-Annick Clavel y va d’un conseil rempli de bienveillance : « comme les symptômes des femmes peuvent être différents de ceux des hommes, j’aimerais rappeler l’importance de se renseigner, de s’écouter et, surtout, de prendre soin de soi ».  

Pour en savoir plus

On trouvera plus de précisions sur les travaux de Marie-Annick Clavel dans le site Web de la Chaire de recherche du Canada en santé valvulaire cardiaque des femmes et dans le site laboratoire Dre Clavel du Groupe de recherche sur les maladies valvulaires cardiaques de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, ainsi que sur son fil Twitter